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La carrière « Christian Delagrange »


- Si tu veux, me dit Patricia Carli en m’observant, on peut changer le nom...
- Heu, pardon ?
Je sors soudain de ma torpeur, gêné : aurait-elle deviné mes pensées ?
- Oui, réplique t-elle, si “Rosetta” ne te plaît pas, on peut l’appeler “Patricia”.

Je m’affole... Patricia... Avec des paroles qui disent “j’ai envie de te faire l’amour” alors qu’elle est la compagne de Léo Missir, si tu ne veux pas partir en “galère” dès le départ, il ne faut surtout pas lui dire oui ! Je m’empresse de lui déclarer fermement :

- Non ! Au contraire, Rosetta, c’est un joli prénom, ça sonne bien, et en plus c’est... original !
Ouf, elle me répond que c’est d’accord pour Rosetta. Elle s’empare de sa guitare et m’annonce :

-Alors on va voir pour la tonalité, essaie de la chanter avec moi.…

 
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La carrière « Christian Delagrange »


Revenu dans mon réduit de la rue du Colisée, je repense à tous ces jours passés, à cette peur enfin, que cela ne face pas un succès, cette chanson ne m’emballe vraiment pas.

J’ai soudain faim, je descends les 6 étages, me retrouve en quelques enjambées sur les Champs Elysées et décide de me rendre chez l’oncle Léon, l’eau à la bouche en pensant à ses fines lamelles de Rosette de Lyon qu’il ne manque pas de me couper à chacune de mes visites.

Le repas et l’éternelle gentillesse de mon oncle et de ma tante aidant, je rentre de République comme je suis venu, à pied, mais cette fois-ci, avec beaucoup plus d’ardeur : Dans quinze jours, je rentre une nouvelle fois en studio ; ma confiance revient... Après tout, "ils" savent ce qu'ils font.

Durant ce retour à pied de la place de la République aux Champs Elysées, je repense à mes amis. Depuis quelques temps, je perds le contact avec Jean-Louis, avec les autres musiciens de mes dernières galères chez Decca. Il faut dire que le manque de moyen pour me déplacer m’isole un peu plus d’eux : le métro est déjà hors de portée de ma bourse, alors le R.E.R. ! Mais aussi l’aboutissement de la folle expérience de Cesson la Forêt (près de Melun, en Seine et Marne)

C’était un an auparavant, avec Jean-Louis Philibert mon complice - qui était entré chez DECCA - nous avions fait tout naturellement connaissance avec des musiciens qui étaient là aussi pour « réussir » ! Nous avions monté un groupe pour m’accompagner lors de ma première télévision nationale à Port Grimaud dans le Var. Puis, dans l’euphorie de cette expérience réussie, nous avions décidés de tous vivre ensemble, pour composer des musiques qui, nous n’en doutions pas, deviendraient des tubes.