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La carrière « Christian Delagrange »


…J’ai soudain froid dans ces boulevards parisiens, heureusement j’arrive enfin rue du Colisée. A peine réchauffé par les 6 étages montés rapidement, je recouvre mes épaules d’une couverture de laine et commence une lettre pour mes parents. Je tente de leur expliquer, les doigts gelés, crispés sur le stylo, que ma vie d’aujourd’hui évolue : j’espère convaincre mon père à plus de tolérance. Je le sais très fâché contre moi, du moins, c’est ce qu’il veut me faire croire ; l’abandon de mes études… ou de ma voiture…

Je sais que le premier est plus grave à ses yeux ; pourtant si c’était le second ? Non pas pour la voiture elle-même, même si cela ne doit pas lui faire plaisir, mais surtout parce qu’il doit penser de moi que je ne suis pas responsable, on ne peut pas me faire confiance. Mon stylo griffonne des mots qui se veulent convaincants : "J’ai mûri … je sais ce que je veux … il faut que vous m'accordiez votre confiance … Mon avenir est prometteur, je rentre en studio, ça va marcher, c’est sûr !" Pourtant, le premier succès, que j’ai gagné avec "Carmen", s’est vite effondré ; et les convaincre de la véracité de mes propos reste une tâche ardue.

Le lendemain je me rends chez Norbert pour signer le contrat. Semblant deviner mes difficultés financières, il me signe un chèque d’avances sur royalties. Soulagé, je ressors de chez lui et m’achète un journal pour regarder les petites annonces de location.

 
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La carrière « Christian Delagrange »


Trois jours après, j’emménage dans la chambre d’un hôtel meublé du 11e arrondissement. Ce n’est pas le luxe, loin de là, mais au moins, j’ai un coin douche, de l’eau chaude et un chauffage. Je regarde la grosse valise entreposée sur le lit, elle contient tout mon passé parisien et ma richesse.

Depuis quelque temps, j’ai renoué une aventure amoureuse avec une amie d’enfance de Marseille, elle m’a promis de venir me rejoindre. C’est une eurasienne très belle. Maintenant que j’ai un vrai chez moi, sa venue va me faire le plus grand bien.

Je descends l’appeler d’une cabine téléphonique. Elle me promet de venir rapidement, dès qu'elle le pourra.

Ces quinze jours écoulés, je me retrouve en studio, les « studios Barclay », avenue Hoche. Je retrouve Norbert, Patricia Carli et son mari Léo Missir. L’ingénieur du son et les premiers musiciens sont également présents. Il ne manque plus que l’arrangeur Jean Bouchetty, qui arrive enfin, tout sourire et s’avance vers Patricia en la prenant dans ses bras :