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Mon cher Maroc

Le retour est toujours une véritable fête sur le bateau. Bien souvent, nous traversons des tempêtes dans le golf du Lion ou au détroit de Gibraltar ; les couverts, tables et chaises dans les salons volent de tribord à bâbord et reviennent inexorablement sur l'autre bord. Les gens sont tous malades, l'équipage aussi. Seuls, mon père et moi gardons la tête haute, un peu comme si nous étions sur une barque, gentiment bercée par quelques clapotis. Le pied marin de père en fils en quelque sorte.

A l'arrivée, débarquant par la passerelle, ces couleurs douces et la poussière en suspension dans l'air ensoleillé sont au rendez-vous et je revis.

Quelques fois, nous avons aussi des tempêtes de sable amenées par le vent du désert, le chergui. Il faut calfeutrer portes et fenêtres. Malgré tout, le sable fin entre et recouvre avec douceur tous les meubles et le sol. D'autres fois, ce sont des nuages de sauterelles, véritable fléau qui ravage toutes les récoltes sur son passage. Le ciel devient tout noir et en peu de temps, il ne reste plus rien d'un champ de blé.

Comme je l'ai déjà écrit, il m'arrivera même un jour, avec mes amis nomades d'en manger des grillées. Je vous l'accorde, ce n'est sûrement pas le meilleur plat, je préfère nettement les tajines préparés avec amour par les mamas marocaines, tajines de kefta, aux pruneaux et au miel, mqalli et mille et un autres ; les couscous k'dra, au poisson, au lait..., la harira bidaouia, la bastela. Ô divine cuisine marocaine aux mille goûts et couleurs, comme tu peux te comparer sans honte aux meilleures cuisines du monde.


 
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Mon cher Maroc

Mes parents vont de plus en plus souvent à Camp Marchand voir leur amis agriculteurs. Je retrouve à chaque fois Danièle Serrano qui a 4 ans. (Avec Danielle)

Bon, pour un grand comme moi de 5 ans, elle est un peu jeune, mais Danièle est mon premier " amour "! Elle me parle à chaque fois de nos amis qui sont passés par leurs terres, me précise quand ils reviendront, me transmet leur salut. Elle est si belle… et qu'est ce qu'on s'amuse bien tous les deux à manger avec nos doigts sous les tentes touareg, à jouer dans les bottes de foins à cache-cache, à grimper sur ces énormes machines que les grands appellent des moissonneuses-batteuses-lieuses, des espèces d'usines sur quatre roues qui soulèvent une énorme poussière quand elles sont en marche et qui savent tout faire... (Avant la moisson)

Les jours de fête à Rabat, la fantasia côtoie les défilés militaires et lorsque la fanfare passe, je prends un bidon qui traîne et je tape avec des bouts de bois pour marquer le rythme, puis entre deux tasses, en cuivre martelé emplies d'eau, vendues par les " porteurs d'eau " pour me désaltérer, je me glisse entre les jambes du public pour de nouveau, imiter les percussions des orchestres accompagnant les danseuses du ventre.

L'été, je joue souvent avec un monsieur tout noir qui est rigolo, j'aime faire un trou dans le sable et le recouvrir, ne laissant que sa tête dépasser. Certain que cette fois-ci il sera à jamais mon prisonnier de jeu. Mais il est tellement fort qu'il arrive toujours à en sortir avec un éclat de rire laissant découvrir ses dents blanches. (Mon copain de jeu)