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Enfin les concerts

Le divorce par consentement mutuel n’existe pas encore. Le principe et la seule possibilité pour qu’il soit prononcé, sont la confection de dossiers de reproches réciproques, mensongers et abjects, faits de coups bas et de vulgarités. Peu importe qu’ils soient un tissu de mensonges, pourvu que son contenu soit étayé de tels faits et constatations que tout retour à la vie commune soit considérée comme impossible.




Ma première rencontre avec Guy Marco, le chef d’orchestre de Johnny, va me sortir de ces moments terribles et c’est avec volupté que je me plonge dans les répétitions. L’orchestre est une formation d’une dizaine de musiciens et la section de cuivres fait sonner les arrangements. J’ai toujours été passionné par les cuivres… J’ai, malgré tout, réussi à faire entrer deux de mes anciens trompettistes Michel Loubière et Jacques Diaz. C’est un régal pour moi, ils se font une compétition à celui qui jouera le plus dans les aiguës et les entendre au dessus du contre-ut est un exploit fréquent.




Je ne suis pas encore fortuné, mais depuis quelques temps je roule dans une Fiat 500 que j'ai pu acheter avec mes économies et l'aide de Shun. C’est mieux que le métro pour aller à ces répétitions… Mais loin de mes rêves de "Jaguar Type E cabriolet" de mon époque lycéenne et pas le grand luxe...

 
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Enfin les concerts

Il me faut incliner fortement le siège en arrière pour pouvoir caser ma tête et ne pas taper dans la bâche du toit ouvrant. Marrant, quand il fait beau, il me suffit de mettre le dossier de siège bien droit et conduire la tête à l'air, avec les yeux au dessus du toit...




La tournée commence en plein hiver au cirque d’Amiens. Je me sens prêt, même si le trac commence à se faire sentir. Nous arrivons sur les lieux et Norbert ne cesse de me dire comment je dois faire… Comme si je n’avais jamais chanté sur scène ! L’orchestre entame son introduction et j’arrive sur les planches sous les applaudissements. J’avoue repenser à ses recommandations en ne me sentant pas si à l’aise que ça… M’a-t-il fait perdre confiance en moi ? Est-ce soudain tout autre chose qu’à l’époque des groupes et orchestres de bal ? C’est vrai, certains spectateurs ne viennent plus que pour moi (même si c'est avant tout pour Enrico) et non pour danser devant un orchestre, même s’ils appréciaient son chanteur… Je dois moins chanter dans mon coin, il me faut aller les chercher et les convaincre. Je me sens médiocre et perds mes moyens.

Le public a paru enchanté, mais à la sortie de scène, Norbert aborde une mine contrariée. Pas un sourire, son regard semble dire « il va falloir travailler ».