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La révolution Francaise



Mon père est devenu très malade. Je me souviendrai toujours cet été dernier où il me confiait :

- Tu as vu, j'ai maigri, play-boy maintenant hein ? Me montrant son ventre presque plat.

Ce que certains appellent pudiquement une longue maladie, était déjà en train de faire son oeuvre.

Je me rappelle aussi le jour de son retour du laboratoire et où il était entré à la maison, angoissé :

- Je suis foutu ! J'ai été irradié dans une expérience...

Au fil du temps, il avait oublié cet accident, mais pas son corps.

Début décembre, un lundi de relâche, je descends le voir dans un hôpital près de Marseille. Son état est affolant ! Lui qui était bâti comme un bûcheron, ne faisait plus pour ses 54 ans, que 37 kilos. Il ne peut plus rien manger, tout est rejeté par son estomac. Il me dit d'une voix faible cette phrase terrible qui résonne dans la tête :

- Si c'est ça la vie, elle n'en vaut pas le coup d'être vécue...




 
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La révolution Francaise



Je sens tout son désespoir, lui qui devait trouver prochainement l'apothéose de sa vie professionnelle en entrant dans un grand laboratoire de recherche aux U.S.A.

Je le quitte en larmes et fonce dans le bureau du professeur qui le soigne.

- Avez-vous une chance de le sauver ?

- Non, plus aucune, il est malheureusement en phase terminale.

- Alors vous ne pouvez pas le laisser souffrir comme ça... Je vous en prie, faites quelque chose, trompez-vous dans les doses, n'importe quoi, mais allégez ses souffrances et qu'il parte en paix, c'est inhumain de le laisser vivre !

Je rentre la mort dans l'âme à Paris. Je reprends une énième représentation et, à l'entr'acte, on vient m'annoncer le décès de mon papa... Je pleure, renifle, me mouche et entre de nouveau en scène. Show must go on, disent les américains... L'épreuve est terrible, mais je tente de toutes mes forces à tenir le coup entre deux changements de costumes en larmes.